vendredi 16 septembre 2011

Aiello Nino , « Dans le ventre de Palerme »

La Sicile a toujours été un point de rencontre et de commerce pour les
peuples les plus divers. Non seulement ces derniers y ont laissé des habitudes
alimentaires et des produits jusqu’alors inconnus, mais ils ont aussi
assimilé et, à leur tour, porté ailleurs des usages gastronomiques et, très
souvent, des recettes bien précises. Un échange fructueux et de longue
durée s’est ainsi instauré qui a eu le mérite de constituer, par couches successives,
une gastronomie extraordinaire et hétéroclite, de même qu’il a diffusé
dans tout le bassin méditerranéen et même au-delà, la réputation de la
variété et de l’opulence des plats siciliens.
Palerme, la plus peuplée et la plus importante ville de Sicile, siège du pouvoir
temporel, des structures politiques et administratives et d’une noblesse
fière et joyeuse qui accordait beaucoup d’importance à la nourriture, comme
manifestation de pouvoir et de suprématie, a, en quelque sorte, déterminé la
gastronomie des villes voisines. Au moins dans ses traits généraux, car ces
communes ont gardé des spécificités locales, composant ainsi une grande et
merveilleuse mosaïque. Fait remarquable, les traditions gastronomiques
palermitaines peuvent se retrouver dans les petits et dans les grands restaurants
de la ville, ainsi que dans ce que l’on appelle la “cuisine de la rue”. Toutefois,
quelques-unes d’entre elles sont uniquement vivantes dans les
maisons privées. Objet d’attention et de respect, elles se transmettent de
mère en fille, jalousement gardées dans toutes leurs variantes et dans leur
diversité, expressions extraordinaires d’une fierté et d’une singularité qui
résistent à l’uniformisation.
Il est certain qu’un voyage, même bref, à travers les saveurs de Palerme ne
peut que prendre la forme d’un tour étonnant entre les Grecs et les
Romains, les Arabes et les Normands, les Angevins et les Espagnols, pour
ne citer qu’une partie de tous les peuples qui ont abordé dans l’île, comme
dominateurs ou colons. Ils y ont laissé, comme témoignage de leur passage,
non seulement des oeuvres d’art, mais aussi des usages alimentaires et gastronomiques.
Au cours des siècles, ces derniers, en se croisant et en se
mélangeant, ont rendu la gastronomie de cette cité et de la Sicile tout entière
extraordinaire, unique et incomparable.
Les sociologues et les anthropologues s’accordent sur la célèbre affirmation
de Claude Lévi-Strauss selon laquelle la cuisine est le trait le plus résistant
de l’identité d’un peuple. Ce qui veut dire que l’on perd plus facilement dans
le temps les codes linguistiques que les codes alimentaires. Ce qu’on peut
remarquer en effet si l’on observe que, parfois, certaines familles émigrées,
après des années d’éloignement, ont souvent oublié leur langue maternelle,
mais gardent toujours des coutumes alimentaires ancestrales.

suite sur:
http://www.cairn.info/revue-la-pensee-de-midi-2002-2-page-45.htm

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